Electric body

Jimi Hendrix sur les murs de la cité de la musique à Paris

19 octobre 2002-12 janvier 2003.à à P

« Le trou que l'œuvre géniale a creusé par le FEU dans ce qui nous entoure nous offre une bonne place pour poser notre flambeau ». F. Kafka.

« Le Musée du Parc de la Villette a réussi à rassembler les éléments marquants du parcours du guitariste sans faire son panégyrique. Les organisateurs ont évité le piège du pèlerinage mortifère. Hendrix passe donc de l'objet de culte à celui d'exposition. Si les commentaires explicatifs ressemblent parfois à des émerveillements de gamin, ils se tiennent cependant à distance d'une glorification trop appuyée. On découvre par exemple, le matériel d'Hendrix dans la perspective du résultat musical et non parce que les objets ont été touchés par lui. Exception, la présentation de quelques costumes, entourés d'un filet transparent et auréolés d'une lumière St-Sulpicienne un peu ridicule. L'expo n'innove guère pour les épisodes les plus connus de la carrière d'Hendrix, mais un dispositif sonore annexe vaut presque à lui seul la visite. La musique envahit le corps dans un rendu détaillé qui dit mieux que toutes les études le rapport d'Hendrix à l'expérimentation sonore, sa puissance expressive, ses racines dans le blues et sa capacité d'improvisation dans le sillage des plus grands jazzmen. ». Sylvain Siclier. Le Monde. 13 décembre 2002.

Electric Lady studio, 1970

Hendrix était à la fois homme de scène et homme de studio. Pour lui, le studio d'enregistrement était un athanor, lieu de subtils dosages où générer l'or fin, le précieux Re-bis et la fluide cire orangée. Exemple : Pali gap. Comment expliquer une telle posture alchimique (tellurique et cosmique) chez un gamin des grandes villes nourri uniquement de bandes dessinées, de séries TV et de bouquins de science-fiction ? Cas unique et désespéré. Un tel imaginaire est totalement absent de la musique noire américaine, à inspiration urbaine, du jazz notamment, omises certaines compositions de Duke Ellington, ou de Gill Evans, pour grand orchestre. Tout le mystère de la musique d'Hendrix est là, qui creusait profond. Et penser que la production d'Hendrix en studio a été réalisée sur de pauvres consoles aux capacités réduites tandis que les prodigieux outils sonores dont nous disposons aujourd'hui ne servent qu'à générer une musique médiocre, laisse rêveur.

Woodstock, 18 août 1969, Hendrix sonne la messe

Star Spangled Banner: « La seule pièce de musique électro-acoustique digne de ce nom créée depuis 20ans ». Claude Barthélémy, ex-directeur de l'Orchestre National de Jazz.1990.Des propos qui restent d'actualité. Ceux qui n'ont perçu dans ce déluge sonore que le fracas des bombes au napalm déversées à l'époque sur le Vietnam ont l'imaginaire en berne. Il y avait de ça, c'est vrai, dans le projet, mais la version hendrixienne de l'hymne américain est surtout le grand chant du Corps et de la Terre. Chef-d'œuvre absolu. Et quel régal pour ceux qui possèdent la faculté de voir mentalement la musique en couleurs et en relief! Pistes : les Illuminations d'Arthur Rimbaud (« Ornière », « Mystique ») et le Théâtre et son Double d'Antonin Artaud (« Lettre aux balinais »).

Projections diapos sur mur. Olympia 1967

Coltrane veut crever le plafond (« Interstellar spaces »). Il n'y parvient pas, s'obstine, insiste, enrage et tourne en rond. Hendrix, lui, y parvient d'emblée en parfait alchimiste qu'il est (envol et ancrage à la fois), par la note suraiguë qui introduit la plupart de ses chorus. Ouverture spatiale à 360°. Le pas gagné. Pour s'en convaincre: All along the watchtower et Room full of mirrors (version studio).

Manuscrits: Stepping Stone 70 et Voodoo Chile slight return, New-York 68

« Magic boy ». Arthur Rimbaud courrait les chemins de traverses et bénissait les mésanges. Le grand corps de la nature, sans cesse « cutterisé », panse ses plaies tandis que l'âme lactée de la Vierge Marie mûrit dans l'humus des forêts. Vision : Hawaï, juillet 1970 : Jimi Hendrix en maillot de bain est assis sur un promontoire de sable. Curieusement, sa serviette de bain est enroulée autour de sa cheville. Il contemple le soleil couchant. L'espace marin bruît de phosphorescences aurifères. Bref moment de paix. "-Last -rays of the new rising sun". La mort est proche.

Yazid Manou: il a su ranimer la flamme, requinquer l'ardeur des fans-quinquagénaires et rallier des milliers d'adolescents à la cause. Incontournable, le Yazid

Olga Simon « ex-fan des sixties, petite baby doll ». Cliquez sur la robe signée Paco Rabanne d'Olga pour découvrir les peintures de Simon

Mitch Mitchell, batteur historique de l'Expérience à l'issue de la projection du film « Wild Blue Angel », le soir du vernissage de l'expo

Lucille Hendrix en 48. La mère. Décédée le 2 février 1958. Jimi a alors 15 ans. Image floue mais à jamais prégnante

Ana, Anita, Catherina, Eva, Monika, Linda, Izabella, Angela, Maria-Héléna…Ces prénoms sont plus que les masques-substituts de la mère perdue. Ils signent les étapes du processus de décantation de l'anima engagé par Hendrix et sa fulgurante ascension vers la lumière par purification de la matière sonore. Ce « travail » est manifeste et s'accélère lors des derniers mois qui précédent sa mort. « The Cry of Love ». Car c'est la fin qui est le commencement et « c'est au moment où il va s'éteindre que notre Mercure est le plus beau » disaient les alchimistes. Un parcours sans faute ?

Veste haleakata portée par Hendrix lors du concert donné à Hawaï le 30 juillet 1970

Prestation à oublier : ce jour là, Hendrix s'est trompé de public et le public s'est trompé d'Hendrix.

Des flammes, bien sûr

« Dieu donne le gouvernail mais le Diable donne les voiles ». Satan, dit-on, préside aux destinées de la création et ouvre toutes grandes les portes de l'inouï aux défricheurs avides d'infini. Le Diable au corps. Témoignage de Fayne Prighton : « Il parlait tout le temps de démons sur lesquels il était sans contrôle. Il ne comprenait pas ce qui le faisait agir comme il agissait, parler comme il parlait. Les chansons et toutes sortes de choses sortaient de lui, comme ça…Tout d'abord, j'ai crû qu'il se moquait de moi. Il me disait : je ne sais pas ce qui me submerge. Je ne comprends pas. Il prenait sa tête entre ses mains et il pleurait. Il était si triste. C'est le premier homme que j'ai vu pleurer comme ça. Ca me tuait. Il était si tourmenté, si différent des autres. Il paraissait obsédé par quelque chose de diabolique. Il répétait : j'aimerais savoir comment maîtriser mes démons. Je lui parlais alors de ma grand-mère et de toutes ces choses bizarres mais il répondait qu'il voulait descendre dans les abîmes et rencontrer quelqu'un qui sache faire sortir les démons hors de lui ».

Berkeley 1970 : un sommet

Osmose parfaite entre une voix, un instrument et un corps. Fin 70, nous ne sommes plus dans l'imaginaire, mais dans l'expression immédiate de la réalité toute crue. Sur scène, Hendrix n'est que présence. La guitare n'est plus un instrument de musique mais une tronçonneuse qui tranche dans le réel. Aboutissement. Jaillissement du sur-naturel. Accomplissement du grand-œuvre.

Mur de pochettes de disques : le message planétaire

On connaît l'arbre à ses fruits mais « rien ne pousse à l'ombre des grands arbres » (Brancusi à propos de Rodin). Hendrix mort est encore et toujours au boulot : jazz man puis jazz rocker, heavy métal, rappeur (Castles made of sand, intro Who knows concert Fillmore 70), guru-techno tendance Goa, complice de certains compositeurs de musique classique contemporaine, etc. Et ce n'est pas fini. Pourquoi sa communauté d'esprit avec les « musiques traditionnelles extra-européennes» n'est-elle jamais prise en compte? L'inspiration Hendrixienne est pourtant plus rythmique que mélodique et les séances sauvages de l'année 69 qui exploraient des voies nouvelles recèlent encore bien des trésors…Dans l'attente du bon vouloir des ayant-droits soucieux d'éditer avant tout la musique la plus «abordable » d'Hendrix ( rentabilité oblige), retournons au creuset (Electric Ladyland) pour « manger le peyotl à même la Terre pendant qu'il naît ».

Guitares et costards, un reliquaire profane

La vraie fausse guitare de Bruxelles. Plus intéressant : en fond, Hendrix aux fourneaux. Olympia de Paris. Janvier 68

De gauche à droite : pédale Uni-Vibe, pédale fuzz face Dallas arbite, pédale wha-wha Vox offerte par Hendrix à Keith Richards, guitariste des Rolling Stones. Sous vitrine à droite : Fender Stratocaster qui aurait été jouée par Hendrix à Bruxelles (Belgique) en mars 1967.

 

Les premières guitares. Gibson Les Paul Custom 1955. Console Decca hi-fi sur laquelle Jimi Hendrix écoutait ses premiers disques de blues, de rythm'blues et de rock'n'roll à Seattle à la fin des années 50

La musique d'Hendrix est datée. Oui, comme celle de Mozart.

Réédition de la guitare immolée puis fracassée à Monterey le 18 juin 1967

A quoi bon tenter de reconstituer ce qui a été détruit? Idolâtrie. Hendrix allait de l'avant, sans cesse, car «être cultivé, c'est brûler des formes ».

Ile de Wight, 30 août 1970

Foxy lady, In from the storm : « du corps, par le corps et jusqu'au corps! ».

Fragment de guitare explosée. Royal Albert Hall. Londres, 24 février 1969

Des « rayures ».Veste de scène portée en 1967

Hendrix fils sauvage d'Henri Michaux ? Ici, pas d'assistance médicale mais une formule savoureuse : « Are you Experienced ? ».

Les acoustiques

Jimi Hendrix à Londres en1967 avec une guitare Epichone. En second plan : guitare Martin D.45 ayant appartenu à Hendrix en 1968 et qu'il avait offerte à Mitch Mitchell en 1970.

Monterey

« Vous êtes prodigieusement armé en guerre » (Verlaine à Rimbaud). Trajectoire d'un corps : fin 66, louche, boutonneux et poussiéreux, un affranchi débarque sur l'île des blancs-becs.67 : déflagrations convulsives. 68 : épuré, érotisé et racé. 69 : la «stature » du commandeur. Fin 70 : la posture christique.

 

 

 

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